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Lettres à l'absent

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8 août 2012

7 ans plus tard

C'est à un autre absent que je vais adresser mes "lettres" ...

 

Celui qui avec qui j'ai partagé ma vie, celle de mon fils, et qui m'a donné ma fille...

Il est parti le 23 aout 2011. Notre histoire ensemble n'a pas toujours été simple. Douze ans nous séparaient et ce n'est pas toujours facile à gérer... Nous avons eu des hauts et des bas, "comme tout le monde" ... sauf que personellement, quand on me dit "oui, ben comme tout le monde quoi" j'ai toujours cette impression que moi c'est plus que comme tout le monde ... Depuis toujours et je n'ai pas d'explication là dessus.

Finalement, peut être que c'est pareil ... pour tout le monde. Qu'on ressent tous cette espèce d'injustice qui nous donne l'impression de souffrir plus que "tout le monde" ... Mais bref, ce n'est pas le but ici de développer ces impressions.

 

Dans quelques jours, cela fera donc un an que tu nous as laissées.

Toi et moi étions divorcés depuis presque six ans.  Je n'ai jamais pu m'empêcher de penser que c'est un peu notre séparation qui t'a tué ... Même si c'est d'abord et avant tout le cancer.

Cette saloperie qui s'est insinuée en toi, jour après jour, mois "après moi..." Culpabilité de ma part ? sans doute un peu ... même si je cela peut sembler irrationnel.  Il m'est arrivé de me demander si tu serais tombé malade si on n'avait pas divorcé. Mais je n'aurais jamais la réponse... C'est ainsi et c'est arrivé.

Elle ne va pas bien notre fille...

Elle m'a dit (mais si ça se trouve tu l'as entendue...) elle m'a dit un soir, en larmes, dans mes bras ceci..

 

"Maman, c'est difficile à dire, mais je culpabilise.. sans oser dire pourquoi" et puis elle s'est effondrée dans mes bras...

"Pourquoi dis moi ? tu as fais une bêtise ?"

Elle a juste pu secouer la tête pour me faire comprendre que non ..

"Quoi alors ? tu peux tout me dire, tu le sais bien ... viens là..."

Elle a alors presqu'hurlé en sanglotant ;

"Si j'étais revenue, peut etre que papa aurait pu rester jusqu'à la remise de mon diplôme... il se serait battu et aurait pu me dire qu'il était fier de moi"

Nous étions parties quelques jours à la Côte d'Opale.

Tu étais alors sorti de l'hopital, des soins palliatifs le vendredi. Fatigué, épuisé par toutes tes souffrances physiques et morales... par ta maman aussi, qui faisait pour un mieux mais la pauvre, comment à 88 ans voulais tu qu'elle gère tout ça... ?

Tu avais le moral, tu étais déterminé à te battre. Tu m'avais dit que tu referais de la chimio...

Je ne t'ai rien dit... Moi je savais depuis quelques jours que l'issue était fatale... Mais ils avaient parlé de quelques mois ... pas de quelques jours... Sinon, bien sûr que je ne serais pas partie avec la petite...

Le dimanche soir, je suis passée avec Elle pour te dire au revoir avant de partir.

J'ai vu le masque de la mort sur ton visage, pourtant je ne l'ai pas reconnu.  Tu avais les traits tirés, tu avais chaud, et donc tu étais torse nu... Les tumeurs avaient pris possession de ton corps et ça se voyait clairement... ton âme était préoccupée...

Tu t'es assis et tu m'as parlé de tes dernières volontés que tu ne coucherais pas sur le papier... Le pc était pour Maude, et l'argent de la vente de la maison, tu ne voulais pas qu'il soit bloqué, que je puisse en disposer pour ses études...

Je t'ai dit de ne pas te soucier de ça, qu'on avait encore le temps d'en parler... tu parles !

Tu as embrassé Maude, en l'enveloppant de ton regard d'amour immense... lui a souhaité de bien s'amuser, de bien profiter...et que l'année prochaine vous partiriez ensemble en Egypte.

the Big C ne t'aura pas permis de le faire..

Nous sommes donc parties le lundi matin ... le temps n'était pas terrible, mais nous nous amusions bien... le séjour était chouette... J'étais bien, avec ma fille et maman ... Je me disais que c'était l'occasion pour elles de nouer des liens ... un peu plus intenses, un peu plus forts ...

Le mardi à 17 heures,ton ami m'a téléphoné ... N'ayant plus eu de ses nouvelles depuis des années, j'ai pensé que cela n'augurait rien de bon...

Il m'a dit "Eddy est dans le coma" ... j'ai posé des questions, je suppose ... c'est flou ... j'ai raccroché et j'ai regardé notre fille jouer sur la plage, courir dans le vent, danser presque ... et j'ai pensé que j'allais lui arracher le coeur en lui annoncant ton très proche départ....

J'ai raccroché et j'ai appelé mon fils ... je lui ai expliqué la situation ... c'est avec toi principalement qu'il a grandi...

Après avoir parlé, je me suis rendue sur la plage où Maude riait, courait ... vivait... j'ai pris maman à part et lui ai annoncé...

Elle m'a suggéré de ne rien lui dire ... mais j'ai trop souffert des non dits, des secrets ... alors j'ai pris mon courage je ne sais où, j'ai séché mes larmes, j'ai mis mon armure de béton, j'ai rempli mes yeux d'amour et j'ai refoulé les sanglots dans ma gorge et j'ai appelé notre fille...

 

 

 

 

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22 octobre 2005

J'aurais voulu encore te dire ...

...

Excuse-moi d'avoir failli à ma promesse.

Tu m'avais demandé de la foutre dehors si elle osait se présenter devant ton cercueil.

Et je ne l'ai pas fait.

Je t'ai dit à l'instant précis où je l'ai vue entrer, effondrée, en larmes .... "Excuse-moi, mais je sais que tu comprends pourquoi je ne bouge pas".

Nous avions respecté ton souhait de ne pas la prévenir.

Ton autre fille en a décidé autrement.

Elle l'a retrouvée après 12 ans ... et elle est venue mouiller ton cercueil de ses larmes amères.  Sans un regard pour ses enfants qu'elle n'a plus vus depuis 10 ans.

Je n'ai rien dit pour rester digne et marquer notre différence dans la grandeur.  Je n'ai rien dit parce que maman n'aurait pas voulu.  De toutes façons, "ta famille" faisait bloc autour d'elle et on les a entendu dire "on va la protéger, pour pas que Muriel s'en mêle..."

Je suis fière de moi. J'ai réussi à fermer ma gueule.

Même quand mon coeur a failli sortir de ma poitrine quand ta soeur a dit à ta fille, en lui faisant caresser le cercueil  "ton papa t'a pardonnée"... NON, tu ne lui auras jamais pardonné tant de méchanceté gratuite... Elle t'avait quand même écrit que "vous pouviez crever toi, maman et le petit"... Tu avais dit "jamais je ne pardonnerai ça, jamais"... Tout ça parce que tu avais osé lui dire (après l'avoir dépannée pendant 6 mois : bouffe, argent, chauffage, loyer, etc... ) que tu n'y arriverais pas tout le temps, que tu avais aussi ta vie...

FAMILLE DE MALADES.

Fière aussi d'avoir permis à maman de te lancer la première rose, d'avoir pris la deuxième et de l'avoir donnée à ta première fille pour TE montrer une fois encore que je t'aimais.... Fière d'avoir laissé passé ta fille et ton fils avant moi ... fière d'avoir pu les suivre, et ne pas lui permettre à elle, d'être la quatrième.

De petites fiertés qui me permettent de me dire qu'entre toi et moi, tout aura toujours été dit, fait, clair.

Je t'ai remercié lundi soir pour tout ce que tu as fait pour moi, et mes enfants.  Je t'ai promis de veiller sur maman et le petit.  Je t'ai embrassé et tu t'es éteint, la main de maman sur ton coeur le lendemain matin.

Il va nous falloir apprendre à vivre avec ton absence physique.

Je suis en paix, je ne t'en veux plus.

Mais j'en veux toujours à l'alcool... terriblement.

Et ce blog restera ouvert ...

Au cas où, par miracle ... il pourrait aider quelqu'un ...

18 octobre 2005

Ne plus attendre...

C'est ma prière à moi... celle que je t'ai écrite pendant qu'on t'endormait ... Il était 10h30... Tu as quitté ce monde une heure plus tard.

"Regarde le soleil.

Entends le bruissement du vent.

Sens sur toi le souffle de l'ange qui va te mener vers ceux qui te manquaient.

Ferme les yeux sur ta vie.

Passe de l'autre côté.

Ouvre-les.

Et vois.

Ces gens que tu aimais sont là pour t'accueillir et te soigner l'âme.

Reviens de temps en temps nous faire signe quand tu le pourras.

Apaise-toi.

Dors.

Sois en paix.

Pour toujours, sois en paix.

Et veille sur nous.

Et attends nous.

Un jour, nous serons de nouveau côte à côte.

Muriel

13 octobre 2005

Attendre (2)

amour_immortel_r1

Les grands manitous et leur machine moderne ont tranché.

Le tronc de ton cerveau est mort.  Les deux hémisphères sont totalement nécrosés.

Ils te mettent "en confort" pour ton dernier voyage.

J'ai beau savoir que c'est ce que tu voulais.  J'ai beau savoir que "c'est mieux comme ça". 

On se rend compte toujours trop tard à quel point on aime ceux qui s'en vont.

Dans quelques jours, ton âme sera libérée de ton corps qui l'emprisonne.

Dans quelques jours, tu seras vraiment parti. Corps. Et âme.

Je ne connais même pas les lois de mon pays concernant l'euthanasie.  Et je m'en fous.

Maman m'a dit que si elle avait du le faire elle même, elle l'aurait fait.

Je te promets de veiller sur elle.

Je te promets de veiller sur mon frère.

Je te promets.

Ces lettres tu ne les auras jamais lues.  Peut-être, qui sait, peut-être que dans le monde où tu vas, tu m'entendras te les lire un jour.

Ta maman qui t'a tant manqué t'attend là haut.  Que ton souffle s'apaise au contact de ses bras qui t'enserrent.  Que ton voyage soit doux.  Que tu sois libre de nous regarder.  Que tu sois fier de nous regarder, de là où tu vas aller.  Dans quelques jours... Attendre encore...

13 octobre 2005

Attendre (1)

Attendre

Attendre encore et encore, attendre, toujours attendre … que tu ailles mieux, …des nouveaux examens, … qu'ils se prononcent les grands manitous de la médecine, … qu'ils nous contactent, …. qu'ils nous parlent, … qu'ils nous expliquent, … qu'ils nous donnent le choix.

Et pendant ce temps là, toi aussi tu attends … une délivrance … qui ne vient pas.

Je demande au Mec d'en Haut d'épargner à maman la décision qui fera d'elle ta veuve.  Je Lui demande qu'Il te reprenne avant d'avoir à faire ce choix.  Mais il n'y a pas de raison qu'Il accède à ma demande.  Je suis une très mauvaise élève.

Alors je demande à ma petite sœur, je demande à mon grand-père, qu'eux viennent.  Te chercher.  Te prendre par la main.  Te soigner l'âme.  Te déposer sur le nuage qui t'est réservé, et qu'ensuite ils reviennent nous protéger et alléger notre peine…

72 heures maintenant que les grands manitous balladent l'émotion de maman de son cœur à sa raison… que les rides se creusent sur son visage lisse jusqu'à lors.  Que ses yeux bleus sont délavés et ont perdu tout leur éclat.  Que ses mains se joignent le soir avant qu'elle ne tente, en vain, de s'endormir.

Ils ont dit "on va faire un DERNIER examen et on discutera ensemble de la suite…venez demain"  Et demain, elle est venue.  Ils ont dit "la machine est en panne, revenez demain".  Et l'autre demain, elle est venue et ils ont dit "désolés, la machine est toujours en panne, téléphonez à 16 heures"…

Je me demande comment elle tient encore debout.  Si droite.  Comment elle, elle n'est pas encore tombée en panne….

J'ai fait trois rêves marquants avec toi.

Le premier, où tu faisais de la gymnastique, où tu me disais tout va bien…. C'était le jour avant que tu ne rentres aux soins intensifs.

Le second dont j'ai parlé précédemment.

Et le dernier… Mon Dieu, le dernier… Tu étais passé de l'autre côté et ton corps était revenu à la maison "comme avant, dans les campagnes" mais il n'était pas "recouvert" … tu étais assis dans ton fauteuil.  Et tu t'es levé en hurlant que tu ne voulais pas qu'on pleure, que tu n'avais pas l'intention de mourir, mais qu'on te foute la paix.
C'était le jour avant que les manitous disent à maman "un dernier examen et on décidera de la suite…"

Ce texte a été écrit hier, mercredi 12 octobre 2005....

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4 octobre 2005

Inutile

Cette nuit j'ai rêvé que tu étais debout, et rajeuni de 30ans au moins.  En
pleine forme quoi.

Tu ne te souvenais de rien, ni de la raison, ni de la durée de ton
hospitalisation, ni de ton passage aux soins intensifs... de rien.

Tu étais debout dans la maison dans laquelle maman et toi avez commencé
votre vie de couple et tu m'écoutais te raconter, mais sans me croire
vraiment.

Tu avais deux canettes de bière vides devant toi ...et un jus de fruits pour
me leurrer.

Je les ai regardées et je t'ai dit "Attends, je t'ai écrit...justement, pour
ne pas que tu oublies..."

Ce matin, en me réveillant et donc en réintégrant la réalité, je me suis dit
... " Voilà.  Ca sert plus à rien de lui écrire.  Si ce n'est pour toi, pour
te soulager... mais c'est un peu égoïste. "

Et puis finalement, j'en ai marre de me poser autant de questions de morale.

Tu t'en vas, c'est un fait.  Où ? On n'en sait rien, alors, merde quoi ...
ma vie à moi elle est là, ici et maintenant.

C'est un peu ça que tu m'apprends.  A défaut de ne plus pouvoir me parler,
tu m'apprends encore ça.

A défaut de ne pas lire ce que j'ai écrit pour que tu te souviennes, c'est
moi qui m'en souviendrai.

Je me sens tellement inutile...

27 septembre 2005

Lettre à ta "famille"....

Un encrier, s'il vous plaît.

Rempli de vitriol.

Que j'y trempe ma plume.

Chère « sa famille… »

Vous qui vous agglutinez devant son lit où doucement il s’éteint …

Où étiez-vous quand il allait bien ?  Pourquoi n'avez-vous jamais assisté à aucun de ses anniversaires depuis 26 ans?

Auriez-vous été jaloux de l'amour qu'il portait à ma mère, de celui qu'elle lui portait et lui portera jusqu'au bout ?

N'auriez vous pas supporté la complicité qui les liait, qui nous liait, lui, maman, et mes enfants ?

Votre regard envieux n'aurait pas supporté tant de bonheur ?

Vous aimez votre père, votre frère  ??  En êtes-vous sûrs ? 

Essayez de vous souvenir de la dernière fois où vous lui avez téléphoné pour prendre de ses nouvelles.  Non, je ne parle pas de toutes ces fois où vous lui avez téléphoné pour lui raconter vos malheurs ou lui demander de l'argent, elles seraient trop nombreuses.  Mais de ces fois, où vous vous êtes inquiétés pour lui… Comment ? vous ne vous en souvenez pas … vous ne voyez pas de quoi je parle ?

Je ne vous parle pas non plus des traversées du désert qu'il a faites, avec maman et le petit à ses côtés, je ne vous parlerai pas de sa lutte et sa victoire pour entrer dans mon cœur, puisque vous ne semblez pas connaître cette partie de l'humain qui nous fait avancer.

J'ai parlé à votre père, à votre frère, des heures et des heures durant.  Je l'aimais, il m'aimait.  J'ai toujours dit qu'il n'était pas mon papa, et que je n'étais pas sa fille … mais que dans nos cœurs, c'était clair. 

Jamais je n’aurais osé faire ce que vous avez fait …

Lui enlever son alliance … la reprendre chez vous … et « oublier » de prévenir maman…

Plus que quelques grammes d’or, cette alliance est le symbole de leur union, contre vents et marées, le symbole d’un amour qui pour moi devient, jour après jour, exemplaire…

Maman a sa force, sa sagesse, son calme et sa grandeur.  Moi j'ai juste ma rage, ma colère et mes mots.  Mon amour et mon admiration pour elle.

Comment osez vous vous regarder encore le matin dans la glace ?

26 septembre 2005

Et ce matin...

... ils ont dit :" Vous savez, il a encore eu des convulsions ce week end".

Maman vient te voir demain.

Elle me dit qu'elle sent qu'elle doit y aller.

Elle sait pas pourquoi.  Elle sait juste qu'elle doit.

Ma maman en morceaux...

24 septembre 2005

Et encore ...

Et encore ce matin, ils ont dit :

"On n'a pas décelé de lésions au cerveau. MAIS il faut attendre les résultats du scanner.  Ca prend du temps, les résultats du scanner.  Il ne tremble plus.  Il est plus calme.  Mais son état ne s'améliore pas"

MAIS PUTAIN .........QU'EST CE QUE TU FOUS LA HAUT, TU DORS OU QUOI  ???????????

23 septembre 2005

Regarde par là

Ce matin, ils ont dit ... peut-être une encéphalite...

Regarde plus loin, regarde par là...

envol

parce que quoi qu'il arrive, si tu en sors vivant, tu ne seras plus jamais celui que tu étais.

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